mardi 30 août 2011

Kuélap









Randonnée de quatre jours autour de Chachapoyas














La terre des Chachapoyas

Chachapoyas n'est en fait pas seulement la ville dans laquelle nous sommes aboutis il y a cinq jours, mais également le nom de la civilisation qui peuplait les environs il y a 1200 ans, avant l'invasion inca, puis espagnole. Nous avons eu la chance d'explorer la terre des Chachapoyas dans une randonnée de quatre jours, combinant balades nauséabondes en minibus, randonnées pédestres qui massacrent les genous, et trotinnages en mules pas toujours commodes, dans un paysage alternant entre 2400 et 3300 mètres d'altitude. Et le tout fut une expérience parfaitement joviale.

Nous sommes partis vendredi dernier en minibus, accompagnés de Suzanne et Cornélia, les Allemandes rencontrées précédemment lors de la périlleuse aventure à travers la frontière Équateur-Pérou et dont la compagnie deviendra rapidement des plus aréables; Javier, un Espagnol téméraire et bon vivant venu conquérir l'Amérique du Sud de la Colombie à la terre de feu; Agosto, notre guide, Péruvien d'origine avec une large connaissance générale et parlant l'espagnol autant que le français, l'anglais, des bouts d'allemands, et sûrement autre chose; et deux autres touristes, une jeune Française et un Autrichien d'âge mûr qui ne partagent le véhicule que pour la première journée. Les chemins de terre grugés dans les flancs de montagnes et qui nous offrent de magnifiques vues en plongée nous mènent rapidement dans les hauteurs des environs, traversant de petits villages isolés principalement construits en grosses briques irrégulières de terre brune jaunâtre. Les villageois font leur train train quotidients, évitant parfois de justesse notre véhicule qui se prend pour un char de course et qui soulève derrière lui des nuages de poussière. Agosto ouvre une clotûre pour nous donner accès à un petit chemin rural et cahoteux entouré d'un champ d'herbe séché, jusqu'à ce qu'on s'arrête à la première destination, ou plutôt en surplomb de celle-ci. Partout au loin, d'immenses crêtes à peine recouverte d'herbes et de buissons plongent vers les rivières qui coulent au fond des vallées. Selon Agosto, il y a environ 300 ans, tout ce paysage assoiffé était recouvert de forêts de nuages humides qui furent complètement décimées par les fermiers pour en faire des pâturages.

Une demie-heure de descente abrupte nous mène sur une minuscule terrasse longeant une falaise rougeâtre où des vestiges de murs sculptés à même le roc sont encore partiellement debouts, formant de petites chambres carrées. Des sépultures du peuple Chachapoya, sans doute de la haute classe, construites ici pour éviter leur profanation. Quelques ossements humains gisent encore sur le site, probablement laissés là pour amuser les quelques touristes qui se rendent ici. Les médecins en Cornélia et Suzanne ressortent alors qu'elles s'amusent à les identifier. Puis c'est le retour en hauteur. Le chemin inverse est un peu dur, la pente étant abrupte et l'air un peu rare. Retour au bus pour la deuxième destination, une autre descente d'environ une demie-heure suivie de la remontée. Un lieu semblable où, vers le haut de la falaise, on distingue cinq ou six sarcophages d'environ deux mètres de haut, placés debout, le regard détaché fixant au loin. Et enfin, après encore une autre dose de nausées à serpenter les chemins d'une crête à l'autre dans le minibus, on descend vers une vallée aux teintes irréelles, la vallée Belén. Une rivière étroite y coule en méandres, entourée d'une plaine recouverte d'un mince couvert de végétation vert éclatant, semblable à du treffle et ne poussant pas plus haut que quelques centimètres. Un troupeau de cheval, bien commun de la communauté, y broute tranquillement, alors que Javier part rapidement à leur rencontre et se perd bientôt au loin alors que la lumière décline. Pendant ce temps, les deux autres touristes d'une journée repartent avec le minibus, et nous devons attendre le mec possédant la clé de la petite cabane au toit rose brûlé où nous dormons, lequel n'arrivera pas avant 18h. La température descendant rapidement, les gens restant, c'est-à-dire moi, Laurie, Cornélia, Suzanne et Agosto, préparons un feu de camp pour nous réchauffer et chasser les moustiques. Nous trouvons des copeaux de bois, du foin séché, une petite réserve de grosses branches coupées, et Javier, seul fumeur du groupe, et donc le seul à posséder le pouvoir de créer du feu, revient à temps pour allumer le tout avant de repartir voir ses chevaux. Chaleureuse soirée à parler de tout et de rien, en quatre langues mélangées, à rire, à regarder un ciel incroyablement étoilé et laissant glisser quelques étoiles filantes par ci par là, et dodo dans un dortoir aux gros lits mouelleux recouverts de trois épaisses couvertes.

Le lendemain, départ à pieds pour une randonnée d'environ sept heures. On monte tout d'abord en s'éloignant de la vallée, entre les pâturages d'où nous regardent passer des vaches bien cornues. Le chemin, parfois en grosses pierres irrégulières et parfois d'un sable blanc très fin qui rappelle que la mer recouvrait cette terre il y a des millions d'années, était utilisé par les Chachapoyas qui pouvaient l'emprunter pour rejoindre six de leurs agglomérations. Progressivement, nous arrivons au-delà des coupes effectuées par les paysans d'ici et grimpons jusqu'à une forêt de nuages aux lichens et mousses pendouillant de partout, et où les branches des arbres sont décorées de nombreux épiphytes, petites touffes vertes ou rouges et édentées pointant vers le ciel. Laurie voit un gros toucan s'enfuire sur notre gauche, modèle Fruit Loops dit-elle, alors que je n'entends que le battement de ses ailes. Nous arrêtons à un premier site archéologique, perdu dans les feuilles, les lianes et les mousses. Quelques maisons de pierres rondes, ou du moins ce qu'il en reste, où vivaient les Chachapoyas il y a environ 1200 ans. Au milieu de l'une d'elle, un trou dans le sol expose des vestiges de potteries et quelques ossements. Ce site était utilisé pour l'entreposage de biens ainsi que comme dernière demeure des membres de la famille momifiés afin de faire perdurer leur âme. En effet, dans la culture Chachapoyas, brûler un corps équivaudrait à brûler l'âme avec lui. Les corps ainsi momifiés et enfouis, les âmes demeures intactes et retournent d'où elles viennent dans le royaume des morts, sous terre.

Ensuite, descente de quelques heures vers le village de Congón où nous passerons la nuit. Les habitants nous saluent, vaquant à leur tâches quotidiennes. Quelques plantations de café et de plantains près du village, et encore des grains de café assemblés dans un grand bac pour qu'ils y fermentent. Nous sommes suffisament bas pour avoir bien chaud, et le soleil plombe et nous laisse en sueur. Nous pieutons dans une longue maison recouverte de chaux blanche et y profitons de la douche froide. À l'arrière, un balcon surplombe une scène quotidienne où plusieurs femmes préparent un repas pour la fête (laquelle?) du lendemain. Des milliers de plumes jonchent le sol, et des dizaines de poulets prêts à cuire marinent dans un bac et dans leur propre jus. À l'intérieur, un feu brûle dans un four en pierre pour faire bouillir de l'eau, autour duquel est assemblé un troupeau de cochon d'Inde (pas mauvais d'ailleurs, mais beaucoup trop de travail pour la quantité de viande). On comprend en les entendant pourquoi ils se nomment cuy en espagnols, c'est tout ce qu'ils savent dire!

Le lendemain, journée des mules. Chacun sur la nôtre, nous n'avons aucun contrôle. Deux hommes du village les dirigent en vosciférant à l'arrière d'elles et en leur fouettant ou bottant le derrière. Nous suivons pendant six heures de temps un chemin qui ne fait que monter et descendre sur des pentes escarpées, dans une forêt humide qui mouille les pierres parsemant la route et sur lesquelles les mules dérapent parfois. Je suis à l'avant avec Suzanne, pris avec un des hommes qui semble s'être donné comme mission qu'on devait arriver bien avant tout le monde à destination. Les bruits de la forêt sont ceux de sa radio personnelle. Laurie, elle, est à l'arrière, parfois un peu seule dit-elle, quoiqu'elle n'a pas a se taper la radio que j'entends. La première partie va plutôt bien, et on prend une pause au dîner, les genous en compote à cause de la torsion nécessaire pour se maintenir sur les bêtes. C'est également une pause pour ces dernières qui soufflaient un peu trop dans les dernières montées. Nous visitons pendant une heure un site archéologique semblable à celui de la veille et découvert il y a à peine quatre ans. Agosto nous amène à l'arrière d'une grosse pierre utilisée comme sépulture, cachette que peu de gens connaissent et où il tasse quelques pierres pour découvrir des fragments de poteries, des mâchoires humaines et quelques autres bouts d'os. On repare après le dîner, et la mule de Laurie prend un peu plus d'avance, bien que la mienne et celle de Suzanne continuent à se disputer la première place, et avec de plus en plus de vigueur. Chaque fois que l'occasion se présente, la deuxième course un peu pour dépasser la première qui ne se laisse pas toujours faire, menant une fois ou deux à des collisions. Soit elles étaient deux mules de tête têtues comme leur hybride d'espèce sait l'être, ou encore elles voulaient échapper au fouet de leur bourreau, suivant à l'arrière de la deuxième mule. Toujours est-il que plus on avance, plus le chemin va en montant, sur des chemins rocailleux, parfois étroits et surplombant des vallées qui semblent bien loins en-bas. En croisant une petite ferme, deux boeufs énervent nos mules, si bien que celle de Javier se met à faire du rodéo, et à sauter avec lui sur son dos. Il finit donc le trajet à pieds, suivant nos mules qui ne ralentissent pas leur rythme pour autant. Éventuellement, on franchit la frontière des forêts de nuages, l'altitude étant trop importante pour qu'elles y poussent, et on débarque de nos mules dans un paysage de nuages, d'herbes hautes et de fleurs colorées qui descendent vers les arbres d'où nous sortons. Encore une marche en altitude, puis une descente abrupte sur une terre batue qui passe subitement du blanc au rouge pour arriver dans la vallée qui mène vers Kuélap, 700 mètres plus bas. Les genous encore une fois finis, on rejoint nos chambres dans un petit hotel situé près d'une rivière où nous profitons en soirée d'un petit feu allumé par des gens trop saouls pour s'y réchauffer d'avantage. J'essaie de montrer aux autres un peu de musique québécoise, deux cuillères à la main, quelques airs qui viennent, mais un blanc complet pour les paroles.

Enfin, dernière journée, Kuélap. La forteresse des Chachapoyas, et le plus important site archéologique pré-Inca en Amérique du Sud. En raison de problèmes de communication, un minibus nous prend vers 10h plutôt que vers 7h, ce qui fait qu'on arrive avec tous les autres touristes sur le site plutôt que seuls avec notre petit groupe de six. Heureusement, les foules ici ne sont pas celles du Machu Pichu, même si les deux sites sont comparés en grandeur. Considérablement libéré de la forêt qui l'envahissait, et faisant environ 700 mètres par 100 mètres, Kuélap est construit en deux niveaux. Un immense mur de pierres, prolongement du sommet de la montagne, constitue le premier. Sur le dessus, de nombreux vestiges de maisons rondes sont présents, au milieu desquels se promènent quelques lamas. Le peuple et les Shamans y habitaient, alors que le deuxième niveau, auquel nous n'avons pas accès en raison des fouilles qui y ont lieu, était réservé aux classes supérieures. Quelques vestiges de maisons rectangulaires sont également présents, témoignant de l'invasion Inca qui eut lieu ici au 15e siècle. À l'exception de quelques chemins aménagés pour y circuler et d'une seule maison reconstituée avec un toit de paille, l'ensemble du site est intact, ce qui est fait sa richesse. Ces vieux murs de pierres si lourds d'histoire se découpent sur un fond de montagnes cultivés et de falaises dénudées. On y voit d'ailleurs d'immenses couches sédimentaires onduler d'un pic à l'autre, et on en devine la pression qui y a été exercé pour élever la cordillère.

Après ça, ce fut un retour ici, à Chachapoyas (la ville), où nous avons dû dire adieu au petit groupe avec lequel nous avons partagé ce fragment de vie. Ils nous manquent déjà tous, mais d'autres expériences sont à venir. Cette nuit, un autobus nous amènera à Chiclayo, sur la côte, où nous pourrons continuer de faire des Indiana Jones de nous!




Appréciant Cuenca, en trek à Vilcabamba et impressionés par Kuélap !





Cuenca, Vilcabamba, Palanda, frontière, rizières et Chachapoyas
















jeudi 25 août 2011

2e essai vers le Pérou

Ce n'est pas chose simple d'atteindre le Pérou par la route des Andes. Un peu comme essayer de faire quoi que ce soit sur ce satanné ordi. Il y a des bouchons, des emcombres, et il faut passer par tous les moyens pour arriver à nos fins (et bien sûr, on oublie les photos et la mise à jour de la carte pour ceux qui la suive).

Donc, hier, départ de Palanda. Je me sens mieux (voir le texte de Laurie), et l'autobus avance, comme entre Vilcabamba et Palanda, sur des routes à peine praticables. Des chemins de terres sinueux, souvent récemment tapés, traversant à l'occasion de petits ruiseaux peu profonds (heureusement) qui se jettent en cascades sur la route pour continuer leur chute à peine plus loin, de l'autre côté où les falaises plongent au fond de la vallée. Après deux heures, arrivée à Zumba, une ville frontière poussièreuse qui propose un avant-goût de la sécheresse qui nous attend au Pérou. Le terminal d'autobus est désert, perdu un peu à l'écart du reste, dans le sable et la poussière. Une grande bâtisse blanche ternie, dont seuls trois locaux semblent encore utilisés parmis les nombreux abandonnés. Un par une compagnie de tranport (fermée à notre arrivée), et deux par des venderus de boissons et crèmes glacées. Nous avons le choix d'attendre que le bureau de transport réouvre pour acheter des billets ou de partager un taxi, ainsi que les frais, avec deux allemandes qui, comme nous, cherchent à atteindre le Pérou. Nous apprendrons plus tard qu'elles sont en fait soeurs, et que la plus vieille, Cornélia, est médecin, alors que la plus jeune, Suzanne, vient de finir ses derniers examens pour suivre les pas de son aînée.

Bref, un pick-up comme taxi et les sacs dans la boîte, nous partons sur un chemin de campagne longeant une crête formée par de petites collines couvertes d'herbes, chemin d'ailleurs trop étroit pour que deux voitures se croisent. Le cas échéant, notre chauffeur à moitié endormi doit faire des pieds et des mains pour réussir le croisement sans nous précipiter dans l'abîme. Une intersection survient au milieu de nulle part, avec un barrage militaire où nous devons montrer nos passeports à des enfants ayant à peine atteint la puberté, déguisés en soldats et armés jusqu'aux dents. Après un peu plus d'une heure de route, nous atteignons le village de La Balsa, la vraie frontière, où nous débarquons. Un petit contrôle très peu formel dans une petite cabane de chaux où l'officier semble presque heureux de s'être trouvé une tâche pour s'occuper, et nous voilà sortis du pays en bonne et due forme. Nous traversons à pieds le pont international de 60 mètres, et nous atterissons en territoir péruvien de l'autre côté de la rivière, sans étampe et sans contrôle. Le village se prolonge un peu, en trois rues et quelques maisons. Quelques enfants jouent au fútbol (dans le bon sens du terme) au bord de la rivière. Un homme nous indique une vieille cabane de bois où figure l'inscription migracíon. La porte est barrée. L'homme nous dit qu'il nous faut attendre jusqu'à 15h puisque l'officier est parti manger. Il est 13h30. Et pis merde, pas besoin de foutue étampe, et puis on a jamais essayé de rentrer illégalement dans un pays. Il faut bien une première à tout! On trouvera bien moyen de ressortir sans trop de pépins, quitte à monter dans le compartiment à bagages d'un avion. Nous prenons donc un taxi et nous enfonçons dans le pays sans plus de soucis... ben non! En fait, après 5 minutes d'attente devant la cabane de migration, un taxi arrive et le chauffeur nous offre son aide afin de profiter plus rapidement de notre argent. Il nous amène chez l'officier en poste qui lui glisse, à travers une fente dans la porte, des papiers que nous remplissons, que nous faisons approuver par le policier de la place - un bonhomme moustachu et bedonnant - et que nous ramenons au premier officier - lui en boxer - pour hériter de notre étampe. Rien de moins formel. On est loin des douanes états-uniennes!

Le chauffeur nous amène donc sur un autre chemin de terre vers la ville de San Ignacio, trajet d'environ une heure et demie sur lequel il faut zigzaguer entre les troupeaux de vaches et les ânes que leurs propriétaires ne parviennt pas à faire bouger. La ville en est une autre faite de poussière et de béton, de chaux et de grosses briques artisanales si irrégulières qu'on en vient à se demander comment les murs tiennent. De là, encore un taxi collectif avec les soeurs allemandes vers Jaén. La route, toujours en terre, s'élargit et devient mieux tapée, plus régulière, et finalement goudronnée, si bien que notre nouveau chauffeur s'en donne à coeur joie. Le trajet, qui devait prendre trois heures en autobus, n'en prend pas deux! Et difficile de trouver plus beau paysage pour nous accueillir au pays que cette route. Située dans une plaine rizicole au pied des Andes, les collines qui nous entourent, si elles ont une taille modeste, n'en sont pas moins magnifiques. Largement érodées dans le haut, elles laissent apparaître des falaises sablonneuses aux reflets jaunâtres dans la lumière déclinante du jour, et au pied desquelles descendent des forêts tropicales sèches ou de simples arbustes et quelques brins d'herbes asséchés et éparses. Dans la vallée se succèdent de larges rizières en terrasses, parfois asséchées et parfois inondées, et même si elles n'arborent pas un vert aussi éclatant que celles d'Asie, elles n'ont rien à leur envier. Des rangées de palmiers se succèdent sur le bord de la route ou sur les digues des rizières, et très loin, au sud, à l'est comme à l'ouest, se découpe en silhouette la cordillère des Andes dans toute son immensité. Le soleil dans la plaine nous est caché à un certain moment par un cumulus, mais au loin, ses rayons percent en divers points dans les vallées avoisinantes, et malgré la sècheresse apparente de la végétation, ils y trouvent suffisament d'humidité pour donner à ces vallées des airs enchanteurs, les éblouissant de lumière. Puis, Jaén. Une plaque de béton déposée dans la plaine en d'étroites rues claustrophobiques entourées de blocs carrés, usés et noircis servant à qui en a bien besoin. Pas grand-chose à explorer, ou à y faire. Simple centre agricole en expansion, nous y arrêtons pour la nuit, nécéssitant un de ses blocs comme escale.

Le lendemain, c'est-à-dire aujourd'hui, re-taxi, cette fois vers Bagua Grande pour une heure de trajet, puis enfin, un dernier vers Chachapoyas, notre réelle destination. Un dernier quatre heures de transport (dont une passée à attendre notre droit de passage dans un secteur en construction) nous mène au-delà de la plaine rizicole où se développe Jaén. Tout d'abord, un paysage de butes désertiques, aux buissons et aux cactus nombreux, à la terre rouge et aux herbes rares et asséchés, est le théâtre de nombreuses réunions d'urubus à tête noire, sans doute occupés à jacasser de la dernière carcasse dans laquelle ils ont pu plonger leur tête. Puis, après un retour dans un coin rizicole où serpente un rivière aux eaux vertes tirant un peu sur le bleu, nous nous enfonçons de nouveau dans la cordillère, empruntant la même vallée que la dite rivière. Cette dernière est de plus un plus agitée et écumante au fur et à mesure que nous grimpons, et les montagnes nous laissent encore une fois sans voix. Leurs flancs sont si escarpés que les falaises rocheuses sont nombreuses, et leurs crêtes immenses, qui plongent vers le sol et qui se teingnent de bleu en altitude tant elles sont élevées, sont par conséquent mises à nues. Elles sont à peine recouvertes d'un petit couvert d'herbe d'un vert vif, et parfois, lorsque la pente se radoucit, de quelques buissons ou même de forêts tropicales sèches au teint vert kaki. Et enfin, au bout de la route, ou du moins de notre route actuelle, Chachapoyas, une petite ville sans prétentions, aux petits immeubles d'un blanc sal et aux toits de tuiles fatiguées. Un camp de base pour explorer les environs. À venir dans le prochain épisode.

De Cuenca à Palanda

Où en étions-nous ? (Parce que pour vous ca ne paraît peut-être pas si long depuis notre dernier message, mais pour nous, ca paraît être des siècles !)

Après Guayaquil, on s'est dirigé vers la ville de Cuenca, à quelques heures d'autobus. Quelle ne fût pas notre surprise de découvrir une belle petite ville coloniale avec des rues remplies de maisons coquettes et d'immeubles tous plus beaux et bien entretenus les uns que les autres ! Quel contraste ! On a aussi découvert du même coup où se cachaient tous les touristes et les expats habitants l'Équateur ! Les rues de Cuenca sont parsemées de petits cafés sympathiques où l'on peut déguster des mocaccinos ou autres cafés de "qualité". On a même eu le droit à des toasts au beurre de pinotes ! (oui oui de pinotes !) le tout servi avec des tranches de bananes et de la confiture, (ils l'ont tu l'affaire les équatoriens ?!). Un soir, on est invité à souper chez Aaron et sa famille (rencontrés à Same) et il nous fait un vrai gros steak avec des épices qui se nomment "Montreal steak" ! Le tout servi avec oignons et patate au four ! Pourquoi je vous en parle ?! Parce que c'est incroyable !!! Impossible de trouver un si bon steak en Équateur ! Les carnivores d'entre vous seraient tristes... Bref, belle soirée discussion avec cet Irlandais fort intéressant et agréable dans une chouette petite maison en bordure de la ville. Cette soirée différente nous permet de changer la routine et en prime, de retarder le retour dans notre chambre qui sent la moisissure à plein nez. Parlant bouffe, j'ai osé essayer une soupe à l'oignon dans un café "French oignon soup" qui n'avait pas grand chose à voir avec la vraie soupe à l'oignon... Elle avait un goût de plat indien avec un quart de tranche de pain qui flotte et un peu de "parmesan" fondu. Mais bon, je l'ai cherché avec mon envie de cuisine francaise en Équateur... ! Cela dit, on pouvait lire sur la première page du menu de ce restaurant qu'ils s'autorisaient à refuser l'entrée à certaines personnes, dont George Bush ! Alors comment peut-on réellement leur en vouloir ?!

Mais Cuenca n'est pas que nourriture ! On s'est aussi laissé tenter par un musée. Le museo del Banco Nacional. Ce qu'on ne savait pas, c'est qu'il fermait une heure plus tard... Donc on a visité la partie la moins intéressante avant de se faire gentiment reconduire à la porte ! Mais heureusement, l'extérieur du musée était accessible avec des ruines Incas et Kañari entourées d'un jardin agréablement aménagé. Après avoir arpenté les rues pendant des heures, photographié la cathédrale sous tous les angles de même que les nombreuses églises, vestiges de la colonnisation espagnol, on s'est permi un petit moment de relaxation sur le bord de la rivière qui serpente dans la ville , moment qui fut uniquement dérangé par un petit rat qui passait par là. Ah Cuenca !

Prochain arrêt : Vilcabamba... On avait entendu la réputation des habitants de cette ville avant d'y mettre les pieds. En bref, les hyppies s'y rendent pour attendre la fin du monde (en décembre 2012 !) et profitent des diverses drogues offertes afin d'y passer le temps alors que d'autres personnes, (surtout américains selon nos informations) viennent s'y cacher... De quoi ? Mais de leur gouvernement et de la conspiration mondiale bien sure ! D'autres, quant à eux, viennent y attendre les extra-terrestes, puisque c'est bien connu qu'ils choisiront ce trou pour se pointer le nez (s'ils en ont un par ailleurs...!). Finalement, nous avons préféré observer puisqu'on se sentait un peu sauvage pour s'intégrer dans l'ambiance de commune amicale digne des années 60 présente à notre hôtel ou pour discuter "philosophie". Y'a des jours comme ca... Notre impression : la réputation semble être fondée! Mais le tout n'est pas confirmé... On y reste malgré tout une journée supplémentaire pour se dégourdir les jambes avec un petit trek ! L'objectif : une chute, qu'on ne verra pas... Les cartes sont tellement précises ! Notre chemin (non officiel), un petit sentier qui sillone les montagnes majestueuses de la cordillière des Andes, ce qui nous offre des points de vue à couper le souffle. Comme quoi, parfois choisir son propre chemin au lieu de suivre les chemins tracés peut s'avérer bénéfique !

Après quelques heures de sommeil, on quitte avant le lever du soleil pour Zumba. L'autobus étant plein, on nous fait signe de s'asseoir à l'avant à côté du chauffeur, ce qui nous permet d'avoir une vue presque qu'aussi impressionnante que la veille. Le seul hic, le bruit de fond... Louis qui vomit dans un sac de plastique !! De quoi couper la beauté du moment ! On s'arrête finalement en chemin, à Palanda puisque Louis est tranquillement devenu translucide... On trouve un petit hôtel bruyant et avec un personnel désagréable pour que Louis puisse reprendre contenance. La situation idéale... Louis atteint d'un mal dont on ne connaît pas la nature ni la cause, dans un village comportant deux rues et évidemment pas de clinique ou d'hôpital avec des habitants qui nous regardent comme si on était de curieuses petites bêtes parlant un dialecte étrange, le tout, dans un coin perdu de l'Équateur... rassurant... Je prends soins de lui le mieux possible et planifie mentalement la suite en cas d'aggravation... Heureusement, le lendemain, tout rentre dans l'ordre. Le coeur un peu flottant, Louis tient de nouveau sur ses jambes, quelques peu flageolantes malgré tout... Probablement une intoxication alimentaire. Quelques céréales sèches dans le corps (le lait est infecte ici... et dans les circonstances...) et hop, on se fait mettre dehors de l'hotel... à 7h30 du matin... sans préavi. On découvre que le village est tout simplement envahi de dizaines de personnes en tenue sportive... il y a dans le village une grande compétition sportive annuelle ! Malgré cela, il semble que l'intérêt que notre présence suscite est toujours aussi présent. On nous fixe sans gêne, épiant nos moindres mouvements... On fini par trouver refuge dans un parc en attendant le prochain autobus, 2 heures plus tard. Heureusement, deux hommes osent nous approcher pour discuter, ce qui a pour effet d'accélérer notre perception du temps.

Et finalement une situation cocasse.. Louis étant parti chercher de l'eau, un groupe d'hommes (5-6) s'attroupe près de moi et me regarde. L'un d'eux sort finalement une caméra et se met à me parler en espagnol. Je comprends qu'il veut prendre une photo de moi mais il continue à parler sans que je comprenne le reste. Confuse, je regarde mon sauveur qui revient tranquillement. Finalement, Louis traduit que l'homme en question veut prendre une photo de moi avec un gros oiseau. UN GROS OISEAU ?! minute là, de quoi on parle exactement? Oui oui, il est dans le camion... Un oiseau dans le camion ?! De plus en plus confuse, je regarde un autre homme qui revient avec un sac tout en songeant qu'il ne peut pas y avoir un gros oiseau là-dedans... Et bien, il y en avait bel et bien un... d'environ deux mêtres de haut... la mascotte de l'équipe ! Un des homme enfile le fameux costume d'oiseau étrange et gonflable de l'intérieur et on se livre à une séance de photos en bonne et du forme ! Louis a du s'y soumettre aussi, le temps de quelques photos ! C'est sur cette note et après un petit défilé des équipes avec leurs insignes et leurs poupounes que l'on quitte Palanda !





mardi 16 août 2011

Les basses terres, du nord à Guayaquil

Les basses terres au nord sont humides. Elles abondaient autrefois en forêts tropicales côtières dont il ne reste maintenant que quelques rares fragments, lesquels contiennent encore paraît-il de nombreuses espèces endémiques qui ne se retrouvent nulle part ailleurs. Mais la plupart de ces forêts ont laissés place aux  pâturages ou à diverses cultures, parfois industrielles. Les plantations de palmiers royaux, d'origine africaine, sont notamment nombreuses, ces arbres se distinguant de leur cousins locaux par leur stature plus imposante, alors qu'il jouent les oignons dans leurs rangs. Dès qu'on arrive dans les basses terres (avant même d'atteindre les plages qui comblent le récit que vous réserve Laurie), l'humidité est si prenante qu'on semble la voir à travers les vitres de l'autobus. Un paysage de buttes dégarnies de leurs forêts où ont été replantées les arbres qui conviennent mieux à l'usage de notre espèce. De nombreux urubus (je crois) et autre oiseaux de proies planent au-dessus de ces collines, à l'affût d'un cadavre ou de poubelles dont ils pourraient se régaler. Seulement au-dessus du terminal de la ville d'Esmeraldas où nous avons fait escale, il devait y avoir une centaine de ces oiseaux tournoyant au-dessus de nos têtes, les plus bas à quelques dizaines de mètres, et les plus hauts se distinguant à peine, des petits points noirs dans le gris terne du ciel.

Plus au sud, lorsqu'on quitte Same, le paysage se dégarni un peu plus. Les arbres deviennent plus larges que haut, rappelant un peu ceux qui se retrouvent dans les savanes africaines. Lorsqu'ils ont encore des feuilles, leur vert est terne. Les herbes s'assèchent sur les collines, passant d'un vert jauni au brun clair, se dispersant en touffes entre les buissons et découvrant une terre asséché en plusieurs endroits. Dans les fossés qui séparent les buttes, la végétation reprend un peu de vigueur, s'abreuvant dans les petits ruisseaux qui peuvent y couler. Le climat s'assèche. Vers l'ouest, de nombreux étangs rectangulaires faisant entre 40 et 100 mètres de côté et séparés par des digues végétalisées d'un peu plus d'un mètre de haut sont utilisés pour la creveticulture qui, ici comme ailleurs, a ravagé les mangroves qui autrefois envahissaient la côte.

Notre progression vers le sud nous amène à San Vicente où nous devons prendre un bateau pour traverser le fleuve Chone et arriver à Bahia de Caraquez, de l'autre côté. Cette dernière ville est située sur une petite péninsule qui s'allonge entre l'embouchure du fleuve et l'océan Pacifique. Sans être complètement moderne, tous les bâtiments n'y sont pas automatiquement empreints de décrépitude, ce qui n'est quand même pas si fréquent ici. De grands hôtels luxueux ont poussés tout le long de la côte, au bout de la péninsule, créant une lignée d'édifices blancs relativement modernes. Plusieurs voiliers sont amarrés du côté du fleuve, lequel est encadré d'une plage tranquille et sans vagues et de restaurants sur pilotis. De l'autre côté toutefois, là où le Pacifique frappe la ville, la plage qui est surplombée de quelques rochers et d'un mur de béton est plutôt agitée. De nombreuses vagues écumantes y déferlent continuellement, ne laissant aucune pause aux baigneurs qui s'y aventurent. Le problème de Bahia, du moins pour nous, est que la ville est une destination vacances pour les Équatoriens qui, justement, sont présentement en vacances. Et en arrivant là un vendredi, on a trouvé une chambre de justesse, et pour une nuit seulement, suivi du même scénario le lendemain. On a malgré tout pu profiter d'une journée sur place, grimpant quelques centaines de marches pour admirer la ville de haut. Et le soir, par hasard, en errant dans les rues pour retarder le retour à notre deuxième chambre aux allures d'hôpital psychiatrique, nous sommes tombés sur une parade où, outre les majorettes qui se faisaient aller la jupette, de charismatiques danseurs démontraient en couples leurs multiples talents, sur des airs locaux et en costumes colorés inspirés d'habits ruraux.

Le lendemain, soit avant-hier, départ vers Guayaquil. Un paysage toujours un peu asséché au sud de Bahia, au milieu duquel, progressivement, quelques arbres bien particuliers font leur apparition. Leur tronc, recouvert d'une légère mousse, arbore une couleur vert pâle, légèrement bleutée. Un peu tordu, il est fréquemment plus étroit à la base qu'au centre où, à mi-chemin entre la base et la première branche, il bombe légèrement pour retrouver sa circonférence initiale plus haut. Les branches, qui partent dans un peu tous les sens et qui se fractionnent rapidement, n'ont aucune feuille. Les plus beaux ont tout simplement de nombreux gros cocons laineux couleur crème pour compléter leur parure.

Enfin, Guayaquil, le port principal du pays. L'autobus passe tout d'abord dans les coins pauvres. Des taudis en tôle rouillé. Pas d'arbre. On cherche l'ombre, et à part quelques petits palmiers jaunis sur le bord de de la route, il ne semble pas y en avoir. Plus loin, les coins riches, barricadés par d'imposantes clôtures, côtoient l'immense terminal d'autobus. Enfin, un taxi nous mène au centre-ville. Et malgré la mauvaise réputation de la ville, il faut dire qu'elle paraît bien, du moins au centre. Des allées de gratte-ciels bien entretenus (très rares ici, l'ai-je déjà dit?), sans être trop abondants, et plusieurs rues dallées où sont plantés de nombreux arbres pour embellir l'endroit. Quelques coins de verdure, un particulièrement important qui longe le fleuve Guayas où est ancré un pas-vraiment-authentique-mais-c'est-pas-ben-grave bateau de pirate. Au bout de ce parc (le Malecon), au nord, une petite butte aux rues piétonnières en pierre et aux bâtiments surréalistement colorés (couleur banlieue d'Édouard aux mains d'argent) où abondent les vendeurs de boissons et d'autres cossins permet une petite escalade. Au sommet règne un phare d'où peut être admirer la ville dans toutes les directions, des grattes-ciels aux taudis. Dans un autre parc, un carré situé au milieu de la ville et faisant face à une cathédrale, des familles d'iguanes sont entretenus. On ne sait pas pourquoi ni comment ils ont aboutis là, mais ils y sont nourris et y demeurent donc sans stresser en raison des nombreux paparazzis. De toute façon, il n'y aurait nulle part ailleurs où aller. Ils sont tous là, certains faisant plus d'un mètre, étendus dans le gazon, ou pour la plupart dans les branches de deux ou trois arbres sans feuilles (ne pas se tenir en-dessous). Sans avertir, un petit écureuil surgit au-milieu d'eux, attirant tous les regards des gens d'ici. Et dans un étang à côté, un paquet de gros poissons partagent leur eau avec un paquet de grosses tortues, sans doute introduits ici dans leur cas.

Demain, départ pour Cuenca, et pour la suite... On est toujours en vie et en forme, et outre les vestiges de la brûlure de méduse qui décorent mon bras, tout est ok!


Leurs aventures sur la côte...

Sur la plage.

 Le trésor de Socrate.

 Ils se foutent de la gueule de Louis qui ne trouve pas la bonne clé.

 Ils admirent Bahia.

Et Socrate essaie en vain d'avoir une bonne photo.