samedi 16 juillet 2011

De Quito à Arutam

Après Mindo, retour à Quito pour une nuit afin de rencontrer la responsable du programme auquel nous allons participer. Nous apprenons que la communauté au nous partons est Shuar (un peuple reconnu paraît-il par les colons Espagnols comme des coupeurs de tête, alors que ce premier précise, encore selon les ouïe-dires, qu'il est victime d'une incompréhension généralisée vis-à-vis sa culture) et que le nom du village est Arutam. Ainsi partons nous en autobus, une fois encore, au travers de cette majestueuse cordillère. Quito, qui occupe une grande vallée en son sein, laisse éventuellement place aux nombreux pâturages et cultures qui s'étendent jusqu'au sommet des monts, comme une couverte de grand-mère qui aurait été déposée sur l'ensemble du paysage. De nombreux villages en béton et en briques, aux toits de tuiles et aux rues désordonnées, agrémentent le paysage de leur visage délabré. Plus loin, la verdure envahie tout alors que nous descendons dans une autre vallée, vers la ville de Baños et au-delà. Des monts tous de vert couverts, sublimes, d'où sortent d'innombrables cascades qui se jettent au fond de la vallée dans une rivière brune agitée qui semble parfois couler presque sous nous tant la route est près du bord. Quelques fois, sans prévenir, le paysage disparaît et tout devient noir alors que nous plongeons dans un tunnel qui passe sous une montagne. Puis, les monts rétrécissent en collines, la rivière s'élargie et quelques îlots de verdure y apparaissent, et bientôt s'étend devant nous l'Amazonie dans son océan de feuilles et des branches entremêlées. Quelques nuages de brouillard s'y reposent, profitant de ce lit douillet. Et il pleut, alors que le soleil se cache lentement à l'Ouest, derrière les Andes.

On s'habitue rapidement à bien des choses. On s'habitue aux coquerelles, aux araignées géantes et aux papillons de nuit qui grouillent dans nos chambres de bois au plafond à moitié fini à travers lequel on voit le toit en tôle. Tant qu'on dorme dans notre cocon de filet. On s'habitue à l'eau froide dans la douche ou aux mentes religieuses et aux grenouilles dans les toilettes, à la boue sur nos vêtements et aux égratignures et ampoules qui couvrent nos mains, à la chaleur torride du soleil (lorsqu'il ose se pointer) comme à la fraîcheur des nuits. On prend plus que plaisir à se détendre dans le hamac de notre balcon privé au deuxième étage de la maison d'Enrique (qui supervise notre travail), avec une vue dont on ne peut se lasser. L'Amazonie s'y étend dans son nid de brouillard alors que s'élèvent au loin les Andes, avec trois volcans aux neiges éternelles, un d'eux laissant à l'occasion s'échapper une petite bouffée boucaneuse. Ce deuxième étage et tous les amis qui y grouillent est rapidement devenu notre petit chez nous, à nous deux et à Charlotte, une jeune Anglaise étudiant en médecine et qui deviendra très vite une excellente compagne de programme.

Toutefois, malgré ces habitudes, le projet ne durera pas. La première journée, décevante, n'était que travail de construction, sans immersion culturelle aucune. Il faut dire en plus que la maison d'Enrique est situé un peu à l'écart du reste de la communauté. Nous avons presque décidé de quitter le lendemain, tant la déception était grande (et il faut dire qu'on n'était pas encore habitué à nos nouveaux amis grouillants). Puis, en discutant avec Enrique, nous avons décidé de rester, et sans regrets. Nous avons récolté des pousses de plantain pour les replanter ailleurs où leur croissance serait favorisée, nous avons couper le bambou à coup de machette puis l'avons séparé en quarts en le coupant longitudinalement, nous avons préparé, encore à coup de machette, un nouveau jardin pour le yucca, taillant les arbres et notre chemin à travers des lianes et fougères qui nous dépassaient de plusieurs têtes. Quelques promenades dans la jungle, sur une boue rougeâtre toujours bien glissante, nous ont permis de découvrir la pharmacie des Shuar. Des plantes contraceptives au sang de dragon qui soulage les piqûres (c'est en fait la sève d'un arbre qui, d'un rouge foncé liquide, prend étrangement, une consistance crémeuse et une couleur blanche en la frottant sur la peau), tout semble s'y trouver pour qui sait chercher. À un moment, Alex, le neveu d'Enrique, nous fait goûter à l'extrémité d'une feuille bien verte et un peu poilue, et un goût prenant et savoureux de lime chatouille nos papilles. Il en ouvre ensuite une devant nous pour y découvrir de nombreuses et minuscules fourmis et leur oeufs qui possèdent cette surprenante saveur. Aussi, je dois l'avouer, le fruit du cacao est succulent, complètement différent du goût des graines (avec lequel est fait le chocolat).

Quelques soupers chez la mère d'Enrique pour une étrange ambiance, un peu inconfortable. Alors que lui et ses frères parlent entre eux, nous sommes là, muets, comme trois témoins d'un film en Shuarchicham que nous  ne pouvons comprendre mais auquel nous devons assister. Les coquerelles courent sur les murs en arrière, et les chiens qui entrent explorer un peu la maison se font ressortir immédiatement par un ordre sec et sévère. La chienne d'Enrique, Isabela, nous suit d'ailleurs partout, sans déranger et discrète, comme un ange gardien qui veille sur nous (les chiens semblent incroyablement brillants ici, élevés en gardien plutôt qu'en bébé).

Étant peu sûrs de notre décision, nous n'avions payé que pour une semaine, qui est terminée. Le programme n'est en fait construit que pour trois semaines (une semaine dans trois communautés différentes), et il semble peu envisageable d'y rester 12 semaines comme nous le voulions d'abord, d'autant plus que "l'aide" que nous voulions essayer d'apporter est pratiquement inexistante, comme nous aurions dû nous en douter. Notre argent est bien plus utile que quoi que ce soit d'autre. Ainsi pensions nous terminer la semaine et passer à autre chose. Mais maintenant que nous sommes à Puyo, une ville frontière entre les Andes et l'Amazonie, voilà que nous regrettons un peu. La vie de touriste de nous tente pas vraiment pour l'instant. Et, comble du hasard, voilà que nous croisons Enrique dans la rue qui profite lui aussi de sa fin de semaine. Et bien, nous retournerons probablement continuer le programme dans la deuxième communauté, tel que prévu pour la deuxième semaine. Ce sera sans doute la dernière semaine car la troisième communauté est difficile à atteindre (4-5 heures de marche dans la jungle avec tous nos trucs = pas réaliste). Nous pourrons ainsi rejoindre Charlotte à nouveau et terminer avec elle le programme de deux semaines pour un plus grand sentiment de satisfaction et d'accomplissement. Et gare aux tarentules qui se trouvent sur le chemin de nos machettes!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire